« Ben alors… T’étais passée où? »

Une année d’absence… ça vous a semblé long j’imagine.
A moi aussi. J’ai vécu probablement l’une des années les plus difficiles qu’il m’a été demandé d’assumer, sur les plans personnel et professionnel notamment.

Je ne ressens pas nécessairement l’envie de vous en parler, mais plutôt contrainte à me « justifier », parce que certains commentaires me laissent cet arrière-goût désagréable. Comme si je n’étais qu’une machine, comme si je devais m’oublier au profit d’une tâche qui me demande beaucoup d’efforts et d’énergie sans retour pécuniaire d’aucune forme que ce soit.

Car le plus gros problème mes chers amis, il est là, et il est que la passion à ses limites.

Je suis toujours autant passionnée par ce que je fais, et j’y mets le cœur, mais depuis que je suis sortie de mes études pour le monde du travail, tout est différent.

Il ne suffit pas de sortir bardé de diplômes pour obtenir un travail valorisant, ni même une paye à la hauteur des efforts fournis. Ajoutez à cela les soucis personnels, la santé qui joue sur le moral… Et qui ne motive pas à fournir des efforts supplémentaires pour contenter un public extérieur toujours plus exigeant, alors que l’on s’efforce de donner le meilleur de soi-même quand rien ne va et que tout s’effondre.

Mais cette année comme je vous l’ai dit, était particulièrement compliquée… Comme certains ici le savent, je suis sur un poste difficile, dans un établissement compliqué, sur-diplômée mais payée au rabais, avec des horaires décalés.

J’ai donc décidé, après 5 années hors du système, de reprendre des études en vue de passer des concours de catégorie A. La catégorie A pour les plus jeunes, c’est la catégorie de concours la plus difficile à avoir, celle où vous devez avoir moult qualifications pour espérer décrocher une place, et celle où justement, des places, il n’y en a pas des masses.

Alors je me suis lancée dans l’aventure, et je me suis inscrite en prépa.
Si toi même, tu es étudiant en prépa ou connais des étudiants de prépa, tu comprends une partie de ma situation, mais une partie seulement. Non… Si ça s’arrêtait là ce serait trop facile.
Pour toi, étudiant ou travailleur qui ne connait pas l’univers prépa: imagine-toi entrer dans l’enfer d’une école qui te considère comme une machine à travailler, et te poussera au bout de tes capacités pour obtenir de toi le meilleur des substrats le jour tant attendu (celui du fameux concours). « Marche ou crève » est devenu notre malheureux crédo.

Alors oui, pendant un an, j’ai vécu ce rythme effréné, mais en plus condensé. En pire si vous voulez. Je m’explique.
Une prépa classique vous prépare durant toute l’année (ou plusieurs) à passer vos concours. Mon organisme à moi nous a fait rattraper plus d’une année de préparation sur deux jours par mois. Et le reste du temps me direz-vous? Ne croyez pas que je chômais puisque nous avions évidemment des devoirs interminables à rendre, des préparations d’un niveau bien supérieur à ce qui nous était demandé le jour J, que même les étudiants en école d’ingé à qui je demandais de l’aide étaient incapables de comprendre ou de faire dans le temps imparti.

A ce moment là ce n’est plus uniquement votre égo qui en prend un coup, mais vous remettez l’intégralité de vos choix en question, y compris vos propres capacités. Des « meilleurs », vous avez la sensation de passer en queue de peloton.

Le stress s’accumule, on craque, on tente de se soutenir comme on peut mais impossible de prendre du temps pour soi quand même ce temps ne nous suffit pas à aller au bout du travail demandé.

Nous étions 25 en début d’année. Nous avons fini à 12.

12 parmi lesquels je suis restée. 12 parmi lesquels j’étais la seule à avoir gardé mon emploi à côté.
Parce que oui, logiquement, « prépa » et « emploi » ne sont pas vraiment compatibles. Mais encore une fois j’ai voulu repousser mes propres limites, pas par pur sadisme, mais parce que je n’avais tout simplement pas le choix. Les factures ne se payent pas toutes seules.

Alors oui, j’ai durant toute l’année accumulé des nuits où je suis 14h non-stop sur mon lieu de travail, et le reste du temps à travailler pour cette fichu prépa quand je n’étais pas sur mon lieu de stage.

Parce que oui, si je voulais avoir une chance de l’obtenir ce concours, il me fallait effectuer un stage.
Et mon emploi du temps n’aurait fait rêver personne:

18h – 8h du matin au travail, 8h20 – 17h sur mon lieu de stage – et on reprend la routine.
Pas de repos le samedi parce que prépa et examens de 8h à 18h, et un dimanche à travailler du matin au soir parce qu’évidemment, qui peut bosser un concours efficacement sur un lieu de travail où il est constamment sollicité?

Dormir? Des siestes par-ci par-là, pas plus de 3h par nuit.

J’ai dû arrêter mes passions, les sorties, la photo, ma santé a foutu le camp, une nouvelle hospitalisation en décembre, la sixième, ou septième, pour une nouvelle tumeur… A vrai dire j’ai arrêté de les compter depuis. Certains de mes « amis » ont profité de ma faiblesse pour me planter des couteaux dans le dos, et je suis passée pas loin du burn-out.

Entre un travail difficile où nos nerfs sont mis à rude épreuve et où nous ne sommes ni valorisés, ni soutenus en cas de problème, et des études qui finissent de nous vider, on ne se sent plus que comme une enveloppe vide. Vidée de toute âme.

Difficile sans l’avoir vécu de se rendre compte de ce que tout cela représente.

Mais je suis allée jusqu’au bout. Seule contre mille au départ.
Moins d’une chance sur 10 de décrocher le précieux sésame, parce que le nombre de postes cette année était relativement limité.
Seule contre 350 à finalement avoir eu le courage de se lancer dans la bataille.
« Finaliste » parmi les derniers 175 candidats. Qualifiée pour passer les oraux d’admission, le dernier rempart avant le précieux sésame.
Un coin flip, 50/50, et passer à 0,75 points sur 240 de l’admission.

Comme un sportif a qui on annonce sa 4ème place pour quelques centièmes de différence qui le séparent du podium.

Je suis restée en contact avec une jeune fille qui a passé les oraux en même temps que moi et avec qui le jury s’était montré particulièrement virulent. Elle était en larmes à la sortie, et voulait tout abandonner, mais je lui ai dit de ne pas abandonner, qu’elle n’avait rien à perdre et qu’il fallait qu’elle s’accroche.

Aujourd’hui elle figure sur la liste d’admission, lorsque je n’y suis pas. Ces 0,75 points sont ceux qui nous séparent.

Lancinante 4ème place hein… Sur l’académie la plus sélective de France cette année. Cruel de voir que sur n’importe quelle autre région j’aurais été admise, et même très bien classée. Mais c’est comme ça. « Trop bonne trop conne? » Peut-être que finalement, le destin en a voulu ainsi, et me présage un meilleur plongeon pour l’année à venir.
Les concours sont ingrats, et parfois injustes. Contrairement au bac, on ne peut rien contester. Un jury peut nous coller juste parce que notre tête de lui revient pas, et reste souverain, sans avoir à justifier sa note.

Une cruelle désillusion que j’ai encore du mal aujourd’hui à digérer. Mais que je commence à accepter.

Cette année tout reprend, à l’exception de la prépa. Si c’était à refaire, plus jamais je ne m’imposerais autant de contraintes. Et si quelqu’un me demandait conseil, jamais je ne l’encouragerais à s’infliger ce que je me suis moi-même infligée.

Alors on lève le pied, on reprend progressivement, et on pense un peu plus à soi. Je vais m’accrocher bien sûr, parce que je suis passée bien trop près du but pour laisser tomber maintenant. Mais je ne m’imposerais pas autant de contraintes.
Je terminerai sûrement toutes les vidéos commencées, mais sans me fixer de délai, au moins le temps de passer cette période de stress.

Ensuite… Aucune idée. J’avoue prendre beaucoup de plaisir sur les photoshoots en ce moment. Moins de contraintes, moins de temps de préparation, et l’opportunité de converser et d’échanger avec un tout autre public, plus adulte.

Alors voilà mes chers amis, je ne vous parle pas souvent de ma vie personnelle, et au fond vous ne savez pas grand chose de moi, mais ce n’est pas parce que je ne me dévoile pas à vous que je ne suis pas humaine ou que je n’ai pas, comme vous, des soucis et des peines.

Je suis toujours aussi passionnée par la culture japonaise et ce que je fais. J’ai seulement besoin de « temps » aujourd’hui pour penser un peu plus à moi afin d’apprécier réellement ce que je peux vous faire partager, et non le ressentir comme une contrainte supplémentaire, car je suis épuisée de toutes ces épreuves.

Je m’en remets donc à vous pour répondre aux petites piques concernant mon année d’absence. Je n’aurais pas la force de répondre à chacune d’entre-elles.
Mais je vous remercie de continuer à me tendre les bras malgré ce petit temps d’absence. Votre soutien m’a toujours été et continue à m’être précieux.

Bientôt 10 années de traduction, mais rassurez-vous, les contraintes de la vie m’usent plus que l’engagement que je voue à cette communauté. Je me sens bien plus proche de certains membres de cette communauté avec qui je suis aujourd’hui amie, que certaines personnes appartenant à mon cercle de connaissances de longue date.

Merci à ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu’au bout.

Estrelia***